Comprendre le modèle triarchique de Sternberg

Avant d’explorer l’intelligence adaptative au prisme de Sternberg, il est essentiel de comprendre les grandes lignes de son modèle triarchique. Mis en avant dans les années 1980, ce modèle repose sur une idée forte : l’intelligence est un système dynamique qui ne se limite pas aux performances académiques ou aux résultats de tests de QI conventionnels.

Selon Sternberg, l’intelligence s'articule autour de trois composantes fondamentales :

  • L'intelligence analytique : Celle-ci fait référence à la capacité d’analyser, d’évaluer et de résoudre des problèmes bien définis. C’est l’aspect traditionnellement évalué par les tests de QI tels que les matrices ou les résolutions d’équations.
  • L'intelligence créative : Ce domaine englobe les habiletés nécessaires à la génération d’idées originales ou à l'innovation. Elle se manifeste notamment dans la pensée divergente et la capacité à envisager de nouvelles perspectives.
  • L'intelligence pratique : Cette composante renvoie à notre manière d’interagir avec notre environnement, et plus spécifiquement à notre aptitude à nous adapter aux situations réelles, à les transformer ou à en tirer parti.

C’est dans cette dernière composante – l’intelligence pratique – que se joue la réflexion autour de l’intelligence adaptative. Sternberg rappelle que réussir dans la vie ne se résume pas à réussir des tests standardisés : c’est aussi et surtout savoir naviguer au sein de contextes complexes et changeants.

L’intelligence adaptative : au croisement de créativité et pragmatisme

L’intelligence adaptative, selon Sternberg, peut être perçue comme une expression élargie de l’intelligence pratique. Il ne s'agit pas simplement de résoudre efficacement une situation immédiate, mais d'apprendre à modéliser ses pensées, ses comportements et ses décisions en réponse à un environnement évolutif.

Une adaptation en trois dimensions

Dans son œuvre, Sternberg souligne que l’intelligence adaptative s’appuie sur trois axes indissociables :

  1. La modification de soi : Pour s’adapter, l’individu peut évoluer psychiquement. Cela peut passer par l'acquisition de nouvelles compétences ou par un recadrage de sa manière de penser. Par exemple, apprendre à contrôler ses émotions face à une situation stressante est une forme de modification interne qui favorise l’adaptation.
  2. L’ajustement à l’environnement : Ici, il s'agit d’étudier les codes et les contraintes du milieu dans lequel on évolue, pour s’y ajuster sans toutefois le transformer. Une personne apprenant une langue étrangère pour travailler dans un pays étranger illustre cette stratégie.
  3. La modification de l’environnement : Enfin, plutôt que de se conformer au contexte, certains choisissent de changer leur environnement pour l’adapter à leurs besoins. Un exemple contemporain serait l’essor du télétravail, une solution visant à redéfinir l’espace de travail selon les exigences individuelles.

Dans un monde marqué par une incertitude croissante – des bouleversements climatiques aux révolutions numériques – ces trois modalités d’adaptation sont essentielles. Elles donnent aux individus les ressources nécessaires pour rebondir, évoluer et construire de manière durable.

Quand l’intelligence adaptative devient un outil d’innovation

Le modèle de Sternberg souligne non seulement la nécessité de s’adapter, mais également les capacités exceptionnelles de certains individus à transformer cette adaptation en innovation. D'après lui, la véritable intelligence s'exprime par la capacité à analyser un problème nouveau, à mobiliser des ressources créatives, et à exploiter les opportunités contextuelles.

Exemples issus de la recherche et du quotidien

Quelques exemples concrets viennent illustrer ce concept :

  • Les leaders en période de crise : Lors de la pandémie de Covid-19, de nombreux dirigeants ont dû rapidement réinventer les modes de fonctionnement de leurs organisations, conciliant sécurité, productivité et innovation, un témoignage d'intelligence adaptative à grande échelle.
  • Les enseignants et l’évolution des méthodes pédagogiques : Avec l’essor de la classe inversée, de l’apprentissage en ligne et des pratiques inclusives, les enseignants montrent leur aptitude à revisiter leurs pratiques pour mieux s’aligner sur les besoins des élèves.
  • Les avancées médicales : Le développement de thérapies adaptées aux spécificités génétiques de chaque patient (comme la médecine personnalisée) illustre la capacité du corps médical à ajuster non seulement les traitements, mais aussi son approche des individus.

Ces exemples traduisent une observation fondamentale de Sternberg : une intelligence qui ne serait pas adaptative reste incomplète. Identifier le bon choix dépend autant de nos capacités mentales que de notre disposition à interagir avec notre environnement.

Critiques du modèle et limites

Comme tout modèle scientifique, celui de Sternberg n’est pas exempt de critiques. Certains chercheurs pointent du doigt la difficulté d’évaluer concrètement les différents types d’intelligences qu’il propose. Par exemple, mesurer de manière objective l’intelligence pratique ou sa dimension adaptative reste un défi pour la recherche.

Par ailleurs, des débats ont émergé autour des différentes formes d’intelligence face à la notion d’inné et d’acquis. Sternberg lui-même souligne que l’intelligence adaptative est profondément liée à l’expérience individuelle, ce qui pourrait engendrer des inégalités d'accès aux opportunités d'apprentissage ou de développement.

Un modèle pour repenser nos systèmes éducatifs

Enfin, l’héritage de Sternberg va bien au-delà du domaine académique. Son approche nous invite à questionner nos systèmes éducatifs : favorisons-nous réellement le développement d’une intelligence adaptative chez nos enfants et nos étudiants ? Les écoles, trop souvent axées sur la performance analytique classique, préparent-elles suffisamment les jeunes générations à apprendre, désapprendre et réapprendre, selon l’expression célèbre d’Alvin Toffler ?

S'appliquer à développer des compétences adaptatives, c'est encourager la curiosité, la résilience et la capacité d'innovation chez les jeunes. Finalement, n’est-ce pas là le socle d’une société capable de répondre aux enjeux multiformes de demain ?

En s’attaquant à ces questions, Sternberg nous rappelle que l’intelligence humaine est bien plus qu’un score ou une capacité isolée : c’est un échange constant entre nous-mêmes et le monde qui nous entoure. Un potentiel à cultiver et à affiner chaque jour.

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